Le site de Port-la-Nautique a hébergé le port de la ville antique de Narbonne entre 30 av. J.-C. et 60-70 ap. J.-C. Sa position de carrefour, au croisement de voies terrestres majeures (Voie Domitienne et Voie d'Aquitaine) et d'itinéraires maritimes, à l'embouchure de l'Aude, a contribué à sa prospérité et à élever Narbo Martius au rang de capitale de la Gaule narbonnaise en 22 av. J.-C. Cette croissance fulgurante s'est vraisemblablement accompagnée d'une augmentation démographique, d'une expansion de la trame urbaine, ainsi que d'une forte mobilité des biens et des humains. Cette position d'interface terre-mer confère aux bassins portuaires la capacité de concentrer en un espace restreint les activités commerciales, industrielles et domestiques de la cité dont les rejets sont susceptibles de s'être enregistrés dans les sédiments.
En raison de son usage extensif par la société romaine et de ses propriétés chimiques et isotopiques, le plomb constitue un marqueur géochimique précieux lorsqu'il est analysé dans les sédiments et archéomatériaux. L'étude de ses concentrations et signatures isotopiques permet de reconstituer la dynamique historique du tissu urbain et d'identifier les principales sources d'approvisionnement en minerai de galène. Cette approche ouvre ainsi la voie à une lecture renouvelée de l'histoire environnementale de la ville romaine, en révélant des processus de contamination, de gestion des matériaux et de circulation des ressources encore peu explorés dans le cas de Narbonne.
Pour mener cette étude, nous disposons d'une carotte sédimentaire prélevée dans la lagune portuaire de Port-la-Nautique et d'artefacts en plomb (canalisations, ancres, etc.) mis au jour à Narbonne lors de fouilles archéologiques anciennes. Les concentrations en plomb et ses compositions isotopiques ont été mesurées, respectivement, par ICP-MS et MC-ICP-MS. Des analyses sédimentologiques et géochimiques complémentaires ont également été conduites sur la carotte sédimentaire afin de mieux appréhender les conditions paléoenvironnementales des dépôts portuaires.
Les résultats obtenus montrent une pollution importante des sédiments portuaires à la période romaine. Les analyses isotopiques permettent d'identifier deux origines minières différentes : une source locale dans le Massif Central pour la période romaine et une autre source dans l'est et le nord de l'Europe pour la fin du Moyen-Âge.