Les cartes géologiques classiques, souvent publiées sous format papier, constituent des artefacts figés qui ne reflètent qu'un instantané des connaissances à un moment donné. Leur mise à jour exige des campagnes de terrain coûteuses et reste limitée par le caractère ponctuel et épars des données disponibles (forages, échantillons, mesures géophysiques). Ces cartes reposent ainsi sur des interprétations dépendantes des géologues présents sur le terrain, introduisant une part de subjectivité dans la représentation du sous-sol. Une question centrale se pose alors : comment produire des cartes plus « objectives », capables d'intégrer l'incertitude, la diversité des interprétations et l'évolution des connaissances ?
Nous proposons une approche bayésienne et coopérative pour la construction et la mise à jour des cartes géologiques numériques. Les méthodes bayésiennes permettent d'actualiser la probabilité d'un modèle en combinant des connaissances a priori (hypothèses, modèles géologiques existants) avec de nouvelles observations, réduisant ainsi l'incertitude par inférence statistique. L'objectif n'est pas de déterminer une vérité unique, mais d'évaluer la vraisemblance relative des différentes hypothèses à partir d'un croisement de sources, humaines et instrumentales.
Trois dimensions sont essentielles à cette approche. Premièrement, la qualité de l'expertise doit être prise en compte : le système doit pondérer les contributions en fonction de l'expérience et des compétences des auteurs (stagiaire, géologue junior, expert confirmé). Deuxièmement, la chaîne d'observation et d'exploration doit être valorisée, les mesures géophysiques étant toujours guidées par des observations de terrain initiales qui orientent la compréhension géologique. Troisièmement, la traçabilité des preuves doit être rendue visible : chaque hypothèse doit pouvoir être reliée à l'ensemble des éléments qui l'ont motivée (photos, croquis, mémos vocaux, résultats analytiques), afin que la visualisation de la carte numérique expose non seulement des probabilités spatialisées mais aussi les preuves sous-jacentes.
Cette approche ouvre la voie à un système d'information géologique coopératif et évolutif, capable de représenter non seulement l'état actuel des connaissances mais aussi leur incertitude, leur provenance et leur fiabilité. Elle interroge les futurs formats de cartes géologiques numériques, leur dimension collaborative et leur potentiel à transformer les pratiques de modélisation du sous-sol.