La datation des archives sédimentaires est une étape fondamentale pour reconstruire les trajectoires temporelles de la contamination dans les hydrosystèmes. Dans le cadre du projet ANR TRAJECTOIRE (2020–2025), près de 45 mètres cumulés de sédiments ont été collectés dans les zones de dépôts alluviaux de plusieurs grands fleuves français nucléarisés (Loire, Rhône, Seine, Rhin, Meuse, Moselle), couvrant environ un siècle de dépôts.
Les modèles de datation reposent sur l'utilisation combinée de traceurs radiochronologiques, incluant le césium-137 (137Cs), l'américium-241 (241Am), les isotopes du plutonium (240Pu/239Pu), et le plomb-210 en excès (210Pbxs). Ces marqueurs permettent d'identifier des repères temporels précis, associés à des événements bien documentés tels que les essais nucléaires atmosphériques (maximum en 1963) ou l'accident de Tchernobyl (1986). Le 210Pbxs permet quant à lui de documenter la sédimentation sur environ 100 à 150 ans. Pour valider les modèles âge-profondeur établis, les concentrations en 137Cs mesurées dans les sédiments déposés en 1963 et 1986 ont été comparées aux dépôts atmosphériques reconstruits à l'échelle des bassins versants, à partir de cartes de référence publiées. Les corrélations sont particulièrement élevées (R² = 0,92 pour 1963 et R² = 0,95 pour 1986), après normalisation à la granulométrie, ce qui atteste de la cohérence temporelle des archives étudiées.
Cependant, les taux de sédimentation sont soumis à de fortes variations spatio-temporelles, liées aux crues, à la dynamique des dépôts, à la granulométrie et à l'évolution morphologique des sites. Ces facteurs peuvent entraîner des discontinuités ou des perturbations stratigraphiques, nécessitant une interprétation critique des profils. La complémentarité entre les marqueurs radioactifs, les données historiques et les caractéristiques géomorphologiques permet ainsi une datation précise et robuste. Ces résultats constituent un socle essentiel pour l'analyse des trajectoires temporelles de contamination des milieux aquatiques et pour la compréhension des processus de transfert à l'échelle des grands bassins versants.
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