Dans le cadre d'études paléontologiques, le travail taxonomique repose historiquement sur l'observation visuelle des fossiles et la reconnaissance de caractères morphologiques. Plus récemment, les avancées en paléontologie moléculaire, comme l'extraction d'ADN ou d'ARN anciens et l'identification de biomarqueurs, ont enrichi la palette d'outils des taxonomistes. Cependant, l'efficacité de ces nouveaux outils reste conditionnée par la conservation de matière organique.
Une alternative en plein essor, notamment grâce aux progrès récents des techniques analytiques, consiste à étudier les signatures géochimiques des fossiles. En effet, certaines études s'appuyant sur des cartographies élémentaires ont permis, par exemple de différencier des tissus biologiques dans des fossiles vieux de plusieurs centaines de millions d'années. Néanmoins, là aussi, l'exploitation de telles données géochimiques se heurte aux difficultés liées à la fiabilité et à la reproductibilité de la quantification élémentaire.
Dans ce travail, nous proposons une nouvelle approche de traitement de données de micro-fluorescence X (µXRF) acquises par synchrotron pour mettre en évidence l'existence d'une signature élémentaire phylum-spécifique parmi des fossiles issus d'un même biote datant de près de 249 millions d'années. En effet, afin d'exploiter le signal complet des spectres µXRF de 38 fossiles représentant 8 phylums provenant du Paris Biota (i.e. un assemblage fossile marin particulièrement diversifié et daté du Trias inférieur), nous proposons une méthode de comparaison morphologique des spectres, plutôt que leur déconvolution. Grâce à cette approche, nous démontrons ensuite statistiquement l'existence d'une discrimination élémentaire entre des spécimens de phylums différents, malgré leur origine variable et des préservations intra-phylum hétérogènes. Enfin, nous construisons un modèle d'identification taxonomique en conséquence.
À ce stade, ce modèle reste limité au biote fossile étudié, et son étendue taxonomique, son applicabilité à d'autres ensembles fossiles, ainsi que la nature exacte de la discrimination élémentaire restent encore à déterminer. Toutefois, l'existence d'une signature géochimique taxon-spécifique ayant désormais été révélée, elle pourrait être utilisée comme un potentiel nouvel outil taxonomique, et peut-être même ouvrir la voie à un nouveau champ d'étude : la « taxonomie élémentaire comparative des fossiles ».