La rade de Brest, située à l'extrémité occidentale de la Bretagne, constitue un système macrotidal semi-fermé de 181 km². Elle se compose d'un bassin central profond (15 à 30 m) et de plusieurs baies internes peu profondes (< 10m), où l'épaisseur des dépôts sédimentaires peut atteindre 10 m. Ce système est alimenté par deux estuaires : l'Aulne au sud et l'Élorn au nord. La provenance des particules fines alimentant les banquettes vaseuses des baies peu profondes reste incertaine : d'où proviennent ces particules fines, et par quels processus sont-elles transférées vers les zones intertidales ? Une approche pluridisciplinaire associant données géophysiques (MNT historiques et récents), hydrodynamiques (modélisation numérique) et sédimentaires (carottages et prélèvements de surface) a été utilisée. Les analyses granulométriques et géochimiques (XRF sur sédiment sec broyé, calibrées par ICP-MS) ont permis d'identifier deux sources principales de sédiments : marine (via le rapport Sr/Ca) et continentale (via le rapport Ti/Rb). Ce dernier distingue les signatures des bassins versants : l'Aulne présente une signature enrichie en titane, tandis que l'Élorn est appauvri. Les sédiments fins de l'ensemble de la rade, y compris dans le bouchon vaseux de l'Élorn, montrent une signature majoritairement issue de l'Aulne. Les taux de sédimentation actuels (²¹⁰Pb) varient de 0,1 à 0,5 cm/an, pour un volume annuel estimé entre 68 et 136 kT. Toutefois, les apports mesurés à l'exutoire de l'Aulne ne représentent qu'environ 10 % de ces dépôts. Deux mécanismes secondaires permettent d'expliquer les dépôts enregistrés dans la rade : d'une part, la remobilisation des sédiments superficiels par les engins de pêche (environ 50 kT/an) ; d'autre part, l'érosion latérale des banquettes vaseuses, attestée par les comparaisons de MNT bathymétriques. L'élévation du niveau marin déplace les zones à forte énergie vers les marges, favorisant l'érosion des vasières intertidales et la redistribution des sédiments vers des secteurs plus calmes, un processus de réajustement sédimentaire déjà observé dans le delta du Yangtsé (Chine).