Les systèmes lacustres constituent des réservoirs majeurs de carbone, intégrant des formes organiques et inorganiques, avec un fort potentiel de séquestration du CO₂ atmosphérique via l'alcalinisation et la production primaire. Toutefois, le rôle de la carbonatation dans le stockage du carbone sous forme de CaCO₃ reste mal compris. Comprendre ce processus nécessite d'identifier les facteurs qui influencent la précipitation carbonatée et la cinétique de minéralisation.
Cette étude porte sur le lac d'Ilay (Jura, France), caractérisé par la présence de bennes de craie lacustre composées de boues carbonatées qui forment une ceinture sur les rives du bassin. L'objectif est de déterminer les paramètres physico-chimiques et biologiques influençant la formation de ces carbonates, tant dans la colonne d'eau que dans les sédiments.
Entre le printemps 2022 et l'été 2024, des analyses continues (conductivité, température, chlorophylle-a) à 2 m de profondeur et des profils réguliers (pH, conductivité, température, calcium, alcalinité) ont été réalisés dans les 20 premiers mètres de la colonne d'eau. Les résultats révèlent une stratification thermique et chimique pendant environ huit mois par an, avec des périodes restreintes propices à la précipitation de CaCO₃, confinée aux premiers mètres de la colonne d'eau.
Parallèlement, six carottes (~2 m de profondeur, couvrant environ 2000 ans) ont été prélevées selon un gradient bathymétrique (1–23 m). Celles-ci ont été analysées pour leur structure sédimentologique, composition minéralogique, teneur en carbone organique et inorganique, densité, et microstructure (Cryo-MEB).
Cette approche intégrée permet de proposer un modèle conceptuel de production carbonatée dans les lacs stratifiés et montre que la précipitation dans la colonne d'eau est temporellement brève (quelque semaines) avec une préservation spatialement limitée aux plateformes littorales, où la profondeur de compensation des carbonates n'est pas atteinte. En revanche, la micrite se forme de manière continue dans les sédiments, à toutes profondeurs, sous l'effet de la dégradation des exopolymères microbiens (EPS). Le lac d'Ilay est donc marqué par un double processus de production carbonatée.
Cette étude souligne le lien entre stratification, disponibilité en ions, et sédimentation dans la dynamique de production carbonatée, et apporte un éclairage nouveau sur le rôle des lacs dans la séquestration du carbone.