Le territoire guyanais héberge une biodiversité exceptionnelle, dans les domaines continental et marin. En l'absence de registre fossile, les prémices de cette biodiversité étaient jusqu'à présent inconnues. Nous présentons ici les deux premiers gisements fossilifères du territoire, découverts à Kourou et au cœur du Parc Amazonien de Guyane, à Maripasoula. A Kourou, la section exhumée par les travaux du lanceur Ariane 6 révèle à sa base un assemblage de 230 espèces actuelles, dont certaines sont aujourd'hui menacées et/ou identifiées pour la première fois à l'état fossile. L'assemblage date du dernier intervalle interglaciaire (LIG, 128–116 ka), un remarquable analogue passé des conditions de température, plus chaudes, et de niveau de l'océan, plus élevé, prévues pour 2100. Nous présentons ici des communautés de foraminifères, de métazoaires (mollusques, poissons osseux, bryozoaires, décapodes, oursins et requins, entre autres) et de plantes d'affinités marines tropicales côtières et de mangrove. L'assemblage hyperdiversifié de mollusques de Kourou (83 espèces) suggère des affinités plus fortes qu'aujourd'hui entre les eaux côtières guyanaises et caribéennes lors du LIG, remettant ainsi en question le rôle structurant du panache amazonien sur les communautés tropicales de l'Atlantique occidental à l'époque. Le pollen, les phytolithes et les charbons de bois provenant de dépôts plus jeunes dans les mêmes sections attestent d'un retrait marin et de conditions plus sèches au début de la dernière glaciation (vers 110–50 ka), avec un paysage dominé par la savane et des épisodes d'incendie. À Maripasoula, la section étudiée couvre les vingt derniers millénaires, en domaine purement continental, et livre notamment les premiers indices de mégafaune pléistocène en Guyane. Un squelette partiel du paresseux géant Eremotherium laurillardi, daté d'environ -20 ka, y est associé à de nombreux restes animaux (mollusques, arthropodes, poisson) et végétaux (feuilles, graines et bois). Pour la première fois en milieu équatorial, des prélèvements effectués sur plusieurs niveaux successifs révèlent également la présence d'une grande diversité animale et végétale, sur la base d'ADN sédimentaire ancien. Ces résultats fournissent des informations essentielles sur l'écologie et la biogéographie des écosystèmes non-anthropisés du Pléistocène en Guyane, particulièrement pertinentes au regard du réchauffement climatique en cours.